10/06/2009
Val de Vologne :Anciens combattants : Une journée au cœur de l’Histoire
Les anciens combattants du Val de Vologne n’oublient pas. Perpétuer le souvenir des poilus de 14-18 est une exigence qui s’impose à eux, d’abord par fidélité à leurs anciens, ensuite parce que se souvenir c’est mieux comprendre le monde d’aujourd’hui. Et pour eux, le devoir de mémoire ne s’arrête pas aux cérémonies commémoratives devant les monuments aux morts… comme le prouve la visite des lieux de mémoire qu’ils viennent d’effectuer en Argonne et à Verdun, le 6 juin.
Les mots d’Argonne et de Verdun comme ceux de la Somme, de la Marne, du Chemin des Dames, de l’Hartmannswillerkopf, du col de la Chipote et bien d’autres encore ont laissé une empreinte indélébile dans l’Histoire de notre pays. Ils disent le courage, la volonté et l’héroïsme de nos soldats. Ils évoquent aussi l’horreur des combats.
Venant de La Baffe, Charmois devant Bruyères, Cheniménil, Deycimont, Docelles, Fays, Jussarupt, La Neuveville devant Lépanges, Réhaupal , Xamontarupt et Lépanges-sur-Vologne, ils sont une cinquantaine à avoir répondu à l’invitation du comité de coordination des associations patriotiques du Val de Vologne, dont une dame, parente d’un poilu tué en Argonne en 1915.
Organisée avec l’appui précieux de Christian Tarantola, président de la Délégation de Ceux de Verdun et maire de Docelles, la visite proposait un programme original et offrait une occasion unique d’aller à la rencontre de l’Histoire en sortant des sentiers battus.
La matinée de ce samedi 6 juin 2009 a été consacrée aux champs de bataille de l’Argonne. Au lendemain de la première Bataille de la Marne, en septembre 1914, la 5e armée impériale allemande - qui se replie - s’installe en forêt d’Argonne où elle stabilise son front pour s’opposer à l’avance de la 3e armée française sous les ordres du général Sarrail. Commence alors une longue bataille d’un acharnement inouï. « Une lutte terrifiante parce qu’elle ne cesse jamais, ni de jour, ni de nuit » comme l’a écrit dans un rapport le général Sarrail.
Sous la conduite de Christian Tarantola, les participants ont visité successivement la Haute Chevauchée, le Kaiser Tunnel et la butte de Vauquois, site de mémoire en Argonne qu’aucun d’eux ne connaissait. Le site de la Haute Chevauchée, haut lieu symbolique de la Bataille d'Argonne, est parcouru par un sentier historique où l’on découvre un réseau de tranchées et boyaux français et allemands, vestiges des violents combats qui s’y sont déroulés, et qui mène au cimetière militaire de la Forestière.
Creusé par les Allemands à partir de novembre 1915, le Kaiser Tunnel est long de 350 mètres auxquels s’ajoutent 455 mètres de galeries.
Il permettait à la fois d’assurer les liaisons avec le front sous la côte du kronprinz et dispenser les premiers soins aux blessés.
De nombreux restes de son équipement d’origine (hôpital de premiers secours avec bloc opératoire, centrale téléphonique, centrale électrique...) sont encore visibles aujourd'hui. Une visite étonnante des aménagements souterrains pendant la Première Guerre mondiale.
Considérée par les états-majors des deux camps comme un observatoire exceptionnel et un verrou stratégique, la Butte de Vauquois a été le théâtre de combats meurtriers pendant quatre ans. Pour la seule année 1915, huit mille de nos glorieux soldats y périrent. Elle est aussi l’un des symboles de la guerre des mines qui allait entraîner la disparition complète du village. Le groupe est accueilli par les guides de l’Association des Amis de Vauquois. Dès l’arrivée sur la butte, c’est un spectacle impressionnant qui s’offre aux regards des visiteurs : là où se trouvait le petit village, il ne subsiste qu’une succession de cratères géants, parfois profonds d’une vingtaine de mètres, dont celui formé par l’explosion, en mai 1916, d’une charge souterraine de soixante tonnes qui a fait plus d’une centaine de victimes côté français. On a dénombré 520 explosions de mines sur la butte de Vauquois qui a perdu 18 mètres de hauteur durant cette période de la guerre des mines. Un panneau signale l’emplacement où se situait l’église. De chaque côté du profond fossé creusé par ces explosions, les visiteurs découvrent, rapprochées d’une trentaine de mètres seulement et se faisant face, les premières lignes de tranchées françaises et allemandes. Après avoir été répartis en trois groupes et reçu leur équipement comprenant un casque blanc de chantiers en plastique et une lampe torche, les visiteurs précédés des guides se sont engagés en file indienne pour visiter une partie du réseau des galeries souterraines creusé dans la gaize, une roche sédimentaire tendre, mais compacte. Sous terre, c’est une véritable caserne qu’ils découvrent, sous forme d’un enchevêtrement de galeries basses et étroites, étagées sur différents niveaux et jalonnées d’excavations exiguës destinées à un usage particulier : cuisine, chambrées, infirmerie, dépôts, centrale électrique, poste de commandement…
Les techniques de l’extraordinaire lutte souterraine à laquelle se sont livrés Français et Allemands pendant quatre ans leur sont expliquées. C’est de la guerre des mines dont il est question. Les sapeurs français du génie creusent jusqu’à être sous les galeries allemandes, placent un fourneau d’explosifs de plusieurs tonnes qu’ils font sauter. L’explosion donne le signal de l’attaque en surface. Du côté allemand on utilise la même technique. Pour ne pas se faire surprendre, on met en place des systèmes d’écoutes qui doivent permettre d’intervenir avant que l’ennemi ne fasse sauter son fourneau de mine. La guerre a ainsi transformé la Butte de Vauquois en une véritable termitière : puits, galeries, rameaux de combat et sapes nécessaires à la mise en œuvre de la guerre des mines qui s’étirent sur une vingtaine de kilomètres, mais aussi de véritables casernements aménagés.
Cette visite impressionnante a été sans conteste le point fort de la journée. Elle a révélé à la fois l’organisation structurée des installations souterraines et de mesurer les conditions effroyables dans lesquelles les poilus se sont battus et tentaient de survivre.La visite terminée, les participants se sont rassemblés au pied du mémorial, moment choisi par Christian Tarantola pour retracer la violence des combats pour la conquête de la butte et préciser les circonstances de la mort de Marcel Parisot (voir sous le texte).
C’est ensuite dans le recueillement et en présence des drapeaux de quatre associations d’anciens combattants et d’un figurant portant la tenue et les équipements d’un combattant de la Grande Guerre qu’un hommage a été rendu aux victimes des combats à Vauquois et plus spécialement à Marcel Parisot.
Après avoir repris des forces, le groupe de visiteurs a ensuite consacré la fin de l’après-midi à la visite du Mémorial de Verdun à la fois témoignage de la bravoure des poilus et évocation de leurs souffrances, puis à un arrêt au fort de Froideterre, clé du dispositif français à Verdun qui a joué un rôle crucial durant l’été 1916 et aux Quatre Cheminées. En résumé, une journée bien remplie et chargée d’émotion. Un parcours historique exceptionnel sur une terre de mémoire qui porte encore les stigmates de la Grande Guerre. Des visiteurs particulièrement intéressés qui ont apprécié les explications de leur accompagnateur, Christian Tarantola qui a su, tout au long de la journée, transmettre sa passion et captiver un auditoire attentif.
Marcel Parisot :
Originaire de Docelles où son père tenait une épicerie, Marcel Parisot se destinait aux études d’ingénieur dans le textile. À la guerre, il est appelé au 1er régiment du génie. À la fin de l’été 1914, il est en Argonne avec son corps, le 1er régiment du génie. Les troupes allemandes viennent de s’emparer de la butte de Vauquois dans le but d’encercler Verdun. C’est une position importante que les Français se doivent de reprendre. Les vagues d’attaque successives qu’ils lancent jusqu’en février 1915 restent sans succès. Les pertes sont énormes. Alors qu’il est à l’instruction des pionniers à l’arrière, Marcel Parisot se porte volontaire pour accompagner l’infanterie dans la grande attaque envisagée par le haut commandement. Il veut « venger son pays ». Cette attaque a lieu le 28 février 1915. Au cours de l’assaut, Marcel Parisot est tué d’une balle en plein front. L’ennemi parvient à rester sur sa position, mais l’attaque a fini par épuiser sa résistance. Une semaine plus tard, les troupes françaises prennent pied sur la butte. . Ils occupent le versant sud et les Allemands le versant nord. La guerre des mines commence. Une citation a été attribuée à Marcel Parisot : « Parisot Marcel, sapeur mineur. A demandé à faire partie du détachement de sapeurs accompagnant une colonne d’assaut. A été tué au moment où il contribuait à la capture de plusieurs prisonniers »
Remerciements à Yvan Nourdin pour ce texte et les photos.
22:01 Publié dans Juste un peu d'histoire-géo | Imprimer | Facebook |